Papeterie écoresponsable : j’ai testé la toile de liège, voici le résultat

Dans mon précédent article, je vous parlais du cuir de pomme (à lire ici), une alternative végétale au cuir animal. Aujourd’hui, je poursuis cette exploration des matériaux écologiques en m’intéressant à la toile de liège, une matière naturelle et durable qui offre de nombreuses possibilités en reliure et emboîtage.

Le chêne-liège (Quercus suber) : biologie, écologie et répartition

Le chêne-liège (Quercus suber) est une espèce ancienne, dont les origines remontent à plusieurs millions d’années. Des fossiles attribués au genre Quercus ont été découverts en Europe, datant de la transition entre le Paléocène et l’Éocène, il y a environ 55 millions d’années. Plus spécifiquement, des fragments fossiles de Quercus suber ont été trouvés au Portugal, attestant de sa présence dans la région depuis au moins 10 millions d’années (source).

Caractéristiques biologiques

Le chêne-liège est un arbre à feuillage persistant de la famille des Fagacées, pouvant vivre en moyenne plus de 150 ans, avec certains spécimens atteignant des âges exceptionnels. Par exemple, le Sobreiro Monumental « Whistler Tree » au Portugal, planté en 1783, est toujours en vie et productif aujourd’hui. Il peut atteindre jusqu’à 20 à 25 mètres de hauteur, bien que la plupart des individus mesurent généralement entre 12 et 15 mètres.

Répartition géographique

Le chêne-liège est principalement présent dans le sud-ouest de l’Europe et le nord-ouest de l’Afrique, notamment :

• Europe : Portugal, Espagne, France, Italie.
• Afrique du Nord : Maroc, Algérie, Tunisie.

En France, sa présence est limitée à certaines régions :

• Provence : Massifs des Maures et de l’Esterel.
• Corse : Principalement en Balagne et dans le sud de l’île.
• Pyrénées-Orientales : Et la continuité catalane en Espagne.
• Littoral atlantique : Notamment dans les Landes.

Entre les Landes et les Pyrénées-Orientales, l’espèce est quasi absente, ce qui reflète des conditions écologiques moins favorables ou des barrières historiques à son expansion.

Écologie et conditions de croissance

Originaire du bassin méditerranéen occidental, le chêne-liège est adapté à des conditions climatiques spécifiques :

• Sol : Préfère les sols sablonneux, non calcaires, avec un pH compris entre 4,8 et 7,0.
• Précipitations : Tolère des précipitations annuelles de 400 à 800 mm.
• Température : Supporte des températures allant de -5 °C à 40 °C.

Exploitation du liège

Le liège est une matière aux propriétés exceptionnelles : léger, isolant thermique, acoustique et résistant à l’eau grâce à la subérine qui imprègne ses cellules.

• Liège mâle : Produit initialement par l’arbre, il est crevassé et de moindre qualité. Ce liège est retiré lors de l’opération de « démasclage », effectuée lorsque le tronc atteint environ 70 cm de circonférence, généralement vers l’âge de 25 ans.
• Liège femelle : Après le démasclage, l’arbre produit un nouveau liège de meilleure qualité, récolté tous les 9 à 12 ans lorsque l’épaisseur atteint environ 3 cm.

Le prélèvement de l’écorce s’effectue manuellement, sans endommager l’arbre, principalement en juillet et août, périodes où l’arbre est en sève. Le liège femelle est traditionnellement utilisé pour la fabrication de bouchons, tandis que le liège mâle, moins homogène, est concassé en granulés pour produire des panneaux d’isolation.

La toile de liège : une matière naturelle aux multiples atouts

La toile de liège est obtenue en collant de fines couches de liège sur un support textile, généralement du coton ou du polyester. Le résultat est un matériau souple (1 mm), résistant, imperméable et agréable au toucher, avec une esthétique naturelle unique. Traditionnellement utilisé dans la maroquinerie pour la fabrication de sacs, portefeuilles et accessoires, la toile de liège connaît une diversification de ses applications.

Par ailleurs, le liège est de plus en plus utilisé dans la papeterie, notamment pour la fabrication de carnets, de couvertures de livres et d’autres articles de papeterie, tirant parti de sa texture unique et de sa durabilité. Cette expansion des applications souligne le potentiel du liège en tant que matériau polyvalent et respectueux de l’environnement.

La marque HZCORK propose une large gamme de toiles de liège haut de gamme provenant du Portugal, décliné en de nombreuses textures et coloris. J’ai pu y commander un nuancier ainsi que quelques mètres de toile, que je vais tester dans le cadre d’une future collection dédiée à cette matière innovante.

Premiers tests de la toile de liège dans mon atelier

Pour ces premiers essais, j’ai choisi de réaliser deux objets avec deux toiles de liège issues de gammes différentes, afin d’explorer leurs spécificités et leurs comportements en fabrication artisanale mais aussi leurs esthétismes.

Le premier test a été réalisé avec la toile de liège de la gamme Wonderland de chez HZCORK. Fabriquée à partir de déchets de liège recyclés, enrichie d’EVA recyclé pour créer un effet visuel original, cette matière est composée d’un assemblage personnalisable : liège, matériau biosourcé, microfibres, toile et papier. Je l’ai utilisée pour confectionner un petit carnet à couverture rigide, avec une reliure cousue main. Le rendu est très qualitatif, à la fois souple et résistant, et la matière se prête bien au travail de reliure. Le fini texturé et coloré apporte une touche à la fois brute mais douce et élégante.

Pour le second test, j’ai opté pour un porte-revues recouvert de la toile de liège de la gamme Espresso de chez HZCORK. Cette version associe 48,4 % de liège, 35,1 % de marc de café et 16,5 % de polyester. Issue du recyclage de marc de café et de liège usagé, elle dégage un léger parfum de café très agréable en manipulant la matière. Le rendu est plus mat et dense, avec une teinte naturellement chaude.

Résultats techniques

• Découpe numérique : test concluant, la toile se découpe sans difficulté, comme de la toile de reliure classique. Les bords restent nets et propres.
• Contrecollage sur carton gris : bonne surprise au moment du rembordage. Les deux gammes adhèrent bien au support, avec une bonne maniabilité. On observe cependant quelques aspérités qui peuvent provoquer de légers passages de colle au travers, mais cela ne gêne en rien le rendu final. Au séchage, aucune trace collante ne subsiste. Il faudra néanmoins que j’optimise ma colle, car je pense pouvoir encore améliorer la prise immédiate.

Ces premiers tests sont très encourageants pour intégrer ces nouvelles matières dans mes créations en reliure et en papeterie artisanale. Je n’ai pas encore testé la dorure ni la marqueterie sur ces toiles, mais cela fera l’objet de prochains essais. La dorure, en particulier, risque de poser quelques défis en raison des petites aspérités présentes à la surface, car elle adhère mieux sur des supports lisses. J’envisage donc plutôt d’expérimenter avec la letterpress (impression typographique), qui pourrait offrir un très beau rendu avec ce type de matière.

Conclusion : une matière prometteuse

Ces premiers essais confirment le potentiel de la toile de liège comme matériau innovant, durable et esthétique dans le cadre de mes créations artisanales. J’ai particulièrement apprécié son toucher doux et agréable, sa maniabilité à la découpe, ainsi que la richesse visuelle offerte par les différentes textures et compositions. Que ce soit la souplesse élégante et originale de la gamme Wonderland ou l’aspect plus dense et chaleureux de la gamme Espresso, chaque version possède des atouts qui ouvrent de nombreuses possibilités.

Fortement inspirée par ces premiers tests, je vais très prochainement développer une gamme de papeterie et d’objets de bureau écoresponsables dans mon atelier Forme contre forme à Bordeaux. Celle-ci comprendra notamment des pots à crayons, boîtes de rangement, porte-revues et autres accessoires conçus avec cette matière naturelle et sensorielle. L’idée est de proposer des objets durables, pratiques et esthétiques, en cohérence avec les valeurs de mon atelier : transformer les matières de manière respectueuse et créative.

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